Document n�3 : Quelques curiosit�s anversoises
Nos petites escapades en dehors de la r�gion parisienne nous ont d�j� plusieurs fois conduits � Bruxelles, ville � laquelle sa qualit� de �berceau de l�Art Nouveau� donne une importance qu�il n�est pas inutile de rappeler par moments, m�me pour un sujet apparemment limit� � Paris et � ses environs imm�diats.
Mais Bruxelles n�est pas tout l�Art Nouveau belge. Loin de l� ! Li�ge a �galement succomb� au pittoresque 1900. Et la ville d�Anvers n�a pas �t� en reste. En t�moigne un article de Paul Planat, dans �La Construction Moderne� du 7 octobre 1905 (p. 1-3), dont j�ai extrait les passages les plus significatifs :
Comme l�exposition de Li�ge attire l�-bas un grand nombre d��trangers, M. Thi�bault-Sisson, le critique d�art bien connu du public, est all� faire une promenade artistique en Belgique. Son p�lerinage l�a tout naturellement conduit � Anvers, o� il a fait une station : la patrie de Rubens m�ritait cet acte de d�votion.
Il en a rapport� des impressions qu�il communique � ses lecteurs ; elles sont un peu franches, ce qui ne saurait plaire � tous, mais, par cela m�me qu�elles sont sinc�res, elles m�ritent qu�on en tienne compte. [...]
Or, depuis quelques ann�es surtout, l�architecture flamande - et c�est ce que M. Thi�bault-Sisson va exprimer avec d�amers regrets, - se laisse parfois aller � des exub�rances, voulues beaucoup plus que naturelles, qui ne sont plus que des excentricit�s. De plus, elle a eu le tort, dangereux pour elle, de se laisser trop influencer par les tendances actuelles de l�art allemand qui ne sont pas toujours d�un go�t bien affin�, tant s�en faut ; influences qui incitent l�art flamand � exag�rer encore les d�fauts qui le menacent, et � tomber tout � fait du c�t� o� il penche.
�Il serait profond�ment regrettable qu�un art, dou� d�une si belle vitalit� propre, � laquelle le critique que nous citons rend lui-m�me justice, persist�t trop longtemps � cumuler les erreurs �trang�res avec les �carts de son propre temp�rament qu�il lui serait si facile d��viter. [...]
�L�esth�tique nouvelle, en fait d�architecture, n�a donn� que des fruits bien m�diocres � Anvers, exception faite pour la Maison du Peuple dont l�architecte, M. Van Aspeler [sic], s�est acquitt� de sa t�che en homme de go�t et de ressources, dou� d�un joli sens pittoresque.
�Les trouvailles du nouveau style ne valent pas mieux dans les Flandres anversoises que les r�miniscences des n�o-flamands. J�en veux citer une qui vous �difiera. Pour �clairer largement des maisons � usage d�ateliers, de magasins ou de bureaux, on avait employ� jusqu�ici, dans les constructions en briques en en pierres, les larges baies � plein cintre. Pour trouver du nouveau, un Anversois ne s�est-il pas avis� de retourner la baie, le cintre en bas !
�Vous n�imaginez pas combien l�effet produit est risible.�
Nous l�imaginons fort bien. Nous ferons seulement remarquer que cet Anversois n�a fait que suivre tr�s exactement le seul principe qu�ait arbor� l�Art dit nouveau : Faire tout le contraire de ce qu�on avait fait jusqu�� pr�sent.
Effectivement, n�est-ce pas le moyen le plus commode et le plus s�r d�inaugurer � tout coup une nouveaut� ?
Dire qu�on obtient ainsi des r�sultats tout � fait raisonnables, serait un peu exag�r� ; car si nos p�res ont v�cu autrement que la t�te en bas et les jambes en l�air, c�est qu�ils avaient pour cela quelques motifs justifiables. Mais pour du nouveau, c�est du nouveau ; et les industriels ing�nieux qui b�tirent, � l�Exposition, la �maison � l�envers� (non � l�Anvers) le savaient bien.
L�Art nouveau ne leur a pas encore �lev� de statues, comme � des proph�tes pr�curseurs.
Pourquoi ?
Moins connu que l�Art Nouveau bruxellois, celui qui se d�veloppa � Anvers n�est pas moins int�ressant, ni riche et abondant. Comme le d�nonce l�article de �La Construction Moderne�, une tendance � l�exag�ration s�y d�veloppe - ce qui n�est pas pour nous d�plaire, n�est-ce pas ? -, dont t�moigne assez brillamment l��tonnante et tr�s amusante maison d�armateur, construite en 1901 par Frans Smets-Verhas (1851-1925), au 2, Schilderstraat, avec son singulier balcon d�angle en forme de proue de navire.
L�article est tr�s impr�cis, et m�me fautif, � propos de la Maison du Peuple (1899-1903), construite au 40, Volksstraat, dont les auteurs sont Van Asperen, cr�ateur brillant surtout connu pour ses magnifiques aquarelles, et Emile Van Averbeke. Cet �difice symbolisa � lui tout seul l�Art Nouveau anversois et fut pendant longtemps cit� comme un des exemples majeurs de la modernit� du pays tout entier. Le b�timent propose une synth�se tr�s originale entre les innovations purement belges - en particulier gr�ce � l��tonnant sgraffite de sa fa�ade, proposant une image tr�s all�gorique du travail, o� agriculture et industrie sont illustr�es par des hommes �trangement nus - et des influences plus nettement autrichiennes, visibles dans les parties m�talliques, aux motifs fortement stylis�es, et les terminaisons en pierre des trav�es lat�rales, d�un dessin audacieux.
J�ai ajout� � mes illustrations une maison assez typique du Modern Style anversois, dans l�ensemble beaucoup plus color� qu�� Bruxelles, avec un d�tail d�une maison de W. Van Oenen, 22, Beedhooverstraat, datant de 1901.