8 rue de Lota (16e arrondissement)


Richard Bouwens van der Boijen �tait le fils d�un grand architecte d�origine n�erlandaise, principalement auteur, � Paris, du si�ge du Cr�dit Lyonnais et du mus�e Cernuschi. Tr�s t�t dans sa propre carri�re, le fils construsit cet h�tel particulier pour lui-m�me, afin d�avoir une adresse professionnelle ind�pendante de celle de son p�re et quitter ainsi le 45, rue de Lisbonne, o� celui-ci vivait. Il en fit publier la demande de permis de construire, le 30 septembre 1898.

En attribuant � cet h�tel une des primes du Concours de fa�ades de la ville de Paris, pour l�ann�e 1899, le jury se justifia de fa�on br�ve, mais �loquente : �La fa�ade de l�h�tel que M. Bouwens a construit, 8, rue de Lota, est d�une simplicit� artistique charmante ; son caract�re, un peu inspir� de l�architecture florentine, a �t� modernis� et rendu bien fran�ais par l�emploi judicieux de c�ramiques et de briques de couleur. L�ensemble est d�un go�t parfait et peut sans crainte �tre donn� comme exemple.�
Cette fa�ade, compos�e de trois trav�es identiques, est d�une assez fausse simplicit�, son dernier �tage �tant perc� par une discr�te galerie ouverte. Les murs des deux �tages interm�diaires sont couverts de briques, dont certaines, verniss�es en bleu-vert et blanc, forment des dessins g�om�triques d�une sobre �l�gance, destin�s � souligner les arcs des ouvertures ou l�assise de la loggia terminale. Ce travail a �t� r�alis� par Gentil et Bourdet, qui collabor�rent plusieurs fois avec Bouwens van der Boijen.

Sommes-nous v�ritablement ici dans le domaine de l�Art Nouveau ? Pas vraiment, si nous consid�rons l��difice tel qu�il se pr�sente aujourd�hui, en dehors des mat�riaux color�s qui placent directement cette maison dans la fantaisie pron�e par le Modern Style. Mais il nous faut admirer l��l�vation qui fut jointe au dossier de voirie pour en savourer l��tat primitif, bien surprenant. La forme des ouvertures y est r�ellement diff�rente, ainsi que les motifs constitu�s gr�ce aux briques de couleur. La maison paraissait alors plus discr�te et donnait m�me l�impression d��tre plus �troite et plus haute, termin�e par un �tage o� les doubles colonnes semblaient s�parer des fen�tres, creus�es dans la fa�ade et prot�g�es par une toiture en saillie, mais plus individualis�es. H�las, en modifiant son projet, Bouwens van der Boijen simplifia �galement la ferronnerie de sa porte d�entr�e, qui promettait d��tre un beau morceau ouvertement Art Nouveau.


Le Concours de la ville de Paris ne r�compensait, comme son nom l�indiquait, que des fa�ades. Mais l�int�rieur de l�h�tel n�avait pas �t� oubli� par l�architecte. L�Acad�mie d�Architecture conserve heureusement quelques photographies et documents relatifs � la d�coration int�rieure, principalement de la salle � manger. Celle-ci �tait �clair�e, sur la fa�ade arri�re, par un immense vitrail repr�sentant un paysage ensoleill�. L�espace conservait un caract�re tr�s hollandais, gr�ce � une peinture ancienne et � son plafond, en forme de car�ne de bateau. Les murs �taient enti�rement couverts de boiseries, en bois sombre marquet�, les parties hautes des murs �tant peints avec de fausses architectures de jardin couvertes de rosiers.
Bouwens dessina tous les �l�ments de cet espace, et en particulier la belle horloge-barom�tre murale, dont on conserve une belle aquarelle pr�paratoire au titre po�tique : �A qui sait aimer, les heures sont roses�.

J�ignore si ce d�cor �tonnant existe toujours derri�re la gracieuse et tr�s simple fa�ade de la rue de Lota. Sa pr�cocit� - en 1899 ! - lui aurait � elle seule m�rit� une conservation respectueuse. Mais les changements de go�t ont souvent �t� cruels pour les d�cors int�rieurs des habitations particuli�res. Il ne serait pas surprenant qu�il ait aujourd�hui disparu...

28 juin 2016 : Mes craintes, pour une fois, n'�taient pas fond�es, puisque la surprenante salle � manger de l'h�tel Bouwens existe toujours. All�luia ! Certes, son mobilier mobile semble avoir �t� aujourd'hui dispers�, mais son extraordinaire vitrail - monochrome, pour l'essentiel - est toujours en place, comme les boiseries, portes et buffets. Mais tout danger n'est pas pour autant �cart� car, servant � dispenser les cours de l'Institut sup�rieur de Gestion, il n'est pas � l'abri d'un d�sir de "modernisation", menace constante pour tout b�timent d'habitation dont la fonction a �t� modifi�e.