95 avenue Gambetta (20e arrondissement)
L�histoire des immeubles de Bocage situ�s entre la rue des Gatines, l�avenue Gambetta et la rue de la Chine, semble avoir �t� tr�s hasardeuse et contrari�e. En tout cas, elle fut longue : initi�e en 1900, elle ne s�acheva pas avant 1912.
L�architecte connaissait d�j� cette partie du XXe arrondissement, puisqu�il avait ant�rieurement construit deux autres �difices sur la m�me avenue Gambetta, dans le style presque enti�rement d�nu� de tout caract�re artistique. Ceci n�est pas tr�s �tonnant, l�Art Nouveau n�ayant �t� pour lui qu�une distraction occasionnelle : il suffit de voir ses immeubles de la rue des Eaux ou de la chauss�e de la Muette, dans le XVIe arrondissement, pour se convaincre de ses absences d�originalit�.
En 1900, Bocage fit un premier projet, pour le 91, avenue Gambetta, dont la demande de permis fut publi�e le 6 ao�t, � l�attention d�un juge au tribunal civil d�Abbeville du nom de Holtzapffell. Mais, le 15 octobre suivant, une vaste entreprise, pour M. Fraissignes, concernait six maisons de rapport - dont une devait �tre l�g�rement moins �lev�e que les autres -, r�parties entre les trois rues qui nous int�ressent. Cette nouvelle demande de permis peut avoir englob� le pr�c�dent projet, demeur� sans suite, et les immeubles qui allaient �tre effectivement construits. En effet, il faut attendre le 11 avril 1904 pour entendre parler d�un nouvel �difice, projet� au n�93, pour �E. Bocage�, assur�ment un parent proche de l�architecte. La demande de permis pour l�immeuble du n�95 ne fut publi�e que le 24 f�vrier 1908 et nous apprend que Bocage en �tait �galement le propri�taire Pour l�occasion, il se donna une adresse aussi nouvelle qu��ph�m�re : le 36, rue de Fleurus. Car, pour les deux derni�res demandes, concernant le 5, rue de la Chine (le 13 mars 1909), puis le n�7 de la m�me rue (le 12 avril 1912), il �tait revenu � son adresse habituelle, le fameux 6, rue de Hanovre, dont j�ai d�j� parl� dans ce blog. Le premier de ces deux derniers �difices fut projet�s pour la veuve Fr�quin, et le second pour M. Fr�quin.
Le n�93, avenue Gambetta, est un bel �difice en briques et pierre, aux pinacles et � la d�coration sculpt�e d�influence nettement n�o-gothique ; l�Art Nouveau ne s�y devine qu�accidentellement. Les deux immeubles Fr�quin de la rue de la Chine en sont fort proches, mais l�absence de pinacles leur enl�ve tout style v�ritablement caract�ris�. Ainsi, et tr�s curieusement, un chef-d��uvre de l�art 1900 fut ins�r� au milieu de b�tisses joliment construites, mais nettement plus banales. Sans doute le fait que Bocage en �tait propri�taire l�a-t-il conduit � un plus grand effort d�imagination et d�originalit�. Il ne s�en est pas priv�.
Un premier regard sur ses deux fa�ades conduit � une constatation simple : si Bocage y fit � nouveau appel � Alexandre Bigot pour animer la brique avec des motifs d�coratifs, essentiellement plac�s en frises continues, la principale d�entre elles, au niveau du premier �tage, se contente de reprendre le motif de feuille qui couvrait les murs du hall du 6, rue de Hanovre. Sans doute utilisa-t-il quelques panneaux de gr�s rest�s inutilis�s et longtemps entrepos�s, particuli�rement bienvenus dans un immeuble populaire, soucieux d��conomies. N�anmoins, pour les soubassements des deux bow-windows, il ajouta un autre motif v�g�tal, aux contours plus anguleux.
Ailleurs, ces frises de gr�s prennent des formes de scarab�es tr�s stylis�s ou deviennent des motifs circulaires moins caract�ris�s. Quelques carreaux beaucoup plus abstraits compl�tent cette �tonnante d�coration, de part et d�autre de chaque fen�tre.
La porte d�entr�e propose de jolis motifs de paon � la queue d�ploy�e, en fer forg� d�coup�, ainsi qu�une dr�le de salamandre, servant � d�corer la cl� de vo�te de son entourage. Camille Alaphilippe, collaborateur de Bocage dans la rue de Hanovre et dont on conna�t le style parfois rugueux, fut-il l�auteur de ce curieux animal, inconfortablement pos� sur quelques nouvelles feuilles ? Le sculpteur n�est malheureusement pas cr�dit� sur la fa�ade. Il est donc impossible de d�terminer s�il y intervint, et quelle fut l�importance de cette collaboration.