46 rue Spontini, et 2 rue du G�n�ral-Appert (16e arrondissement)


L�on Benouville a d�j� �t� �voqu� ici comme un architecte de talent. Mais j�ai d�j� pr�venu que sa participation � l�Art Nouveau s�accompagnait d�une certaine aust�rit� et d�une �l�gance tr�s retenue. Son tr�s ambitieux immeuble de la rue Spontini ne d�roge pas � la r�gle.

Cet immense b�timent se pr�sente en effet avec une extraordinaire sobri�t�. Les murs sont assez plans, simplement anim�s par quelques trav�es en encorbellement, dont les bases sont joliment constitu�es d�arcs interrompus autour d�une fen�tre, et couverts de fleurs sculpt�es. A l�angle des deux rues, ces m�mes arcs forment le soubassement d�une fausse tourelle, termin�e par une toiture pointue lui donnant l�allure d�un petit ch�teau ou d�une �glise de village. Ce caract�re presque aristocratique fut-il donn� � l��difice pour plaire � son commanditaire, le comte de Cherisey ? Ce n�est pas impossible. Au moment de la publication de la demande de permis, le 10 mars 1899, le propri�taire habitait rue d�Anjou, � Versailles, ce qui permet de supposer un lien possible avec un autre bel immeuble, construit dans cette ville par le m�me Benouville.

Si les ferronneries restent toujours aussi simples, leur dessin est encore extraordinairement raffin�. Mais, qu�on ne s�y trompe pas ! Un �il attentif remarquera quelques petits panneaux de gr�s, au-dessus des fen�tres des deuxi�me et troisi�me �tages, ainsi que de petits motifs sculpt�s, presque cach�s contre les goutti�res de la tourelle : des feuilles de n�nuphar et des roseaux, d�un c�t�, et un chat venant d�attraper une souris, de l�autre.
On signalera aussi la pr�sence encore intacte des boutiques d�origine, avec leurs jolies huisseries en bois et leurs vitraux en verre am�ricain.

Mais Benouville s�est particuli�rement int�ress� � l�entr�e monumentale de son immeuble qui, par un long couloir formant un coude en son centre, traverse toute la parcelle d�une voie � l�autre. Sur la rue Spontini, la grille, tr�s monumentale, est un authentique chef-d��uvre de ferronnerie Art Nouveau, virtuose, compliqu�e, malgr� sa sym�trie ; sur la rue du G�n�ral-Appert, il s�est content� de reprendre, pour une ouverture d�une taille beaucoup plus raisonnable, le mod�le cr�� deux ans auparavant pour la rue de Tocqueville. Mais le couloir lui-m�me, parfaitement visible depuis la rue, pr�sente une d�coration tr�s �tonnante : elle est constitu�e d�une succession de grands panneaux de gr�s, r�alis�s par l�incontournable Alexandre Bigot, o� la m�me branche de fleur aquatique, en deux grands carreaux superpos�s, est d�clin�e � l�infini. Mais gr�ce au caract�re assez al�atoire de la cuisson, la couleur de chaque branche change constamment, pouvant passer, d�une trav�e � l�autre, d�un bleu-nuit intense � un gris jaun�tre beaucoup plus doux. Cette composition fut rendue c�l�bre par la presse artistique de l��poque, qui la reproduisit � maintes reprises.

Bigot lui-m�me n�y contribua pas moins : lors de l�Exposition universelle de 1900, il pr�senta �videmment ses derni�res productions, dans un stand dont il nous reste heureusement quelques photographies, le c�ramiste ayant eu la bonne id�e de s�en servir pour sa publicit�. On y reconna�t surtout les �l�ments monumentaux r�cemment con�us par Lavirotte pour l�immeuble du square Rapp, et notamment le surprenant d�part de l�escalier. Mais on y reconna�t aussi les panneaux de Benouville, � une place volontairement non n�gligeable.