rue Louis-Boilly (16e arrondissement)


Architecte prolifique, d�une qualit� toujours probe et souvent �gale, Charles Labro fut certainement l�un des meilleurs repr�sentants de l�Art Nouveau finissant. Ayant incorpor� les meilleures innovations du mouvement dans une architecture de bon aloi, d�essence pourtant profond�ment classique, il sut g�n�ralement s�en servir pour varier ses fa�ades et apporter � leur d�cor des variations int�ressantes. Ses quatre immeubles de la rue Louis-Boilly en sont une parfaite d�monstration.
Leur gen�se est difficile � d�terminer, puisque la rue, � l��poque nouvellement perc�e, n�a pas re�u le nom du peintre Boilly avant l�ann�e 1913. Le premier �difice, dessin� pour M. Kiesgen, fut d�clar� le 22 mars 1911, � l�adresse du 19, boulevard Suchet. Les deux suivants, publi�s le 14 avril 1911 pour Hanin et Fauvet, propri�taires, furent tr�s sommairement situ�s sur une �rue nouvelle (avenue Rapha�l)�. Pr�s d�un an plus tard, le 28 mars 1912, Labro lui-m�me se d�clara lui-m�me le commanditaire du dernier immeuble, � nouveau au �19, boulevard Suchet�. Toutes ces adresses apparaissent visiblement impr�cises, localisant en fait tous les projets sur l�une des voies perpendiculaires. Mais, quantitativement, nos quatre �difices semblent bien avoir fait l�objet de demandes de permis de construire individuelles. Ils constituent aujourd�hui les n�3, 5, 7 et 9 de cette rue Louis-Boilly, beaucoup plus connue pour �tre l�adresse, sur le trottoir oppos�, du mus�e Marmottan.

Un parti d�unit�, bien compr�hensible, rend ces immeubles tr�s similaires, d�un point de vue de la construction. Mais leur d�coration les singularise les uns des autres, au point qu�on pourra volontiers oublier celui du n�5, au classicisme presque banal, et o� nulle trace d�Art Nouveau ne semble apparent. Sa voisine, au n�7, propose un d�cor d�j� plus d�licat, avec des colonnes engag�es et sur�lev�es, de part et d�autre de la porte, qui rappellent encore vaguement le parti adopt� par Guimard au Castel B�ranger, et un tr�s s�duisant d�cor de fleurs d��glantier.

Mais la construction du n�3, o� l�arum a �t� choisi comme plante d�corative principale, se signale par un dessus de porte particuli�rement s�duisant : deux jeunes femmes nues prennent appui au sommet du chambranle, comme deux comm�res surveillant les all�es et venues des habitants de l�immeuble, na�ades aussi indiscr�tes que s�duisantes. Le sculpteur de cette amusante sc�ne de genre, aussi talentueux que modeste, est malheureusement rest� anonyme.

Tout aussi anonyme est demeur� le ferronnier de la superbe porte du n�9, o� deux gros chats s��tirent doucement, en direction d�oiseaux cach�s dans des rosiers aux enroulements savants. Sur le reste de la fa�ade, les roses laissent progressivement la place aux volutes d�licates de foug�res, notamment sur les arcs tronqu�s, si caract�ristiques du langage d�coratif de Labro.

De par sa situation � l�angle du boulevard Suchet, ce dernier immeuble est �videmment le plus ambitieux de ce petit lotissement. Il s�orne d�une belle loggia, au cinqui�me �tage, dont les arcatures dissym�triques offrent un joli effet ornemental. Cette singularit� n��chappa sans doute pas au jury du Concours de fa�ades de la ville de Paris, qui lui attribua une des quatre primes attribu�es aux maisons construites pendant l�ann�e 1912. Charles Labro avait d�j� figur� parmi les laur�ats du m�me concours, en 1901, pour son immeuble du 6, rue de l�Abbaye.