62 route de la Reine (Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine)


Au moment o� j�ai commenc� � m�int�resser � l�Art Nouveau, j�habitais � Boulogne-Billancourt. A l��poque, on parlait � peine du style des ann�es 1925, qui est devenu, gr�ce � de tr�s louables bonnes volont�s et la publication de judicieux parcours, la raison principale d�une visite de la ville sur un plan architectural. Aussi n�allais-je pas regarder les maisons du Corbusier, de Perret ou de Lur�at, mais plut�t celle-ci, peut-�tre l�une des rares choses int�ressantes sur cette large art�re un peu aust�re.

Non sign�e, elle pr�sente des rapprochements troublants avec l��uvre de Guimard, en particulier les remplissages tr�s japonisants, en arc-de-cercle, de certains panneaux de l��tage, les toitures en surplomb, le go�t pour la polychromie et la vari�t� des mat�riaux, autant que les faisceaux de bois qui surmontent �l�gamment la grande pi�ce du dernier �tage, �mergeant de motifs tr�s singuliers, �voquant presque le profil de gueules de requins mena�ants. Chez Guimard, on trouve des indices de tout cela dans la maison Coilliot, � Lille, ses villas normandes, et m�me au Castel B�ranger.
Mais, assur�ment, les ferronneries apparaissent ici plus �espagnoles� que purement guimardiennes, les �l�ments floraux n�appartiennent en rien au langage g�n�ralement abstrait du ma�tre de l�Art Nouveau. Et si, par-ci, par-l�, les id�es semblent int�ressantes, elles ne sont jamais totalement convaincantes.

Il est vrai que la propri�t� a beaucoup souffert. Je pense encore me souvenir de son entr�e originelle - et originale - dont l�imposte se prolongeait jusqu�au mur de cl�ture gr�ce � un grand arc de cercle, tr�s audacieux. Aujourd�hui, cette entr�e a �t� close par de la ma�onnerie, lui �tant son principal attrait. Les abords �taient aussi plus d�gag�s et les panneaux publicitaires n�existaient pas... Pas plus que n�existaient les bestioles en c�ramique qui habitent sur le toit et qui n�ont jamais fait partie du projet initial.

Pendant un certain temps, une r�elle curiosit� s��leva autour de cet �difice singulier, tr�s dessin�, fruit de multiples influences, d�nu� d�unit� mais pas du tout priv� de charme. Qui avait bien pu l��difier ? La r�ponse vint, comme parfois, de ces feuillets de dessins grav�s, publi�s par Raguenet, o� nombre de curiosit�s parisiennes, provinciales et m�me �trang�res firent parfois leur seule et unique apparition dans la presse de l��poque. Nous y trouvons effectivement la maison du 82, route de la Reine (c��tait � l��poque une simple �avenue�) dans le n�179, paru vers le milieu de l�ann�e 1905, ce qui pourrait justifier sa date traditionnellement situ�e autour de 1902.

Son auteur n�est �videmment pas Hector Guimard, mais Alexandre Barret (1863-1921), dont nous avons d�j� rencontr� une �uvre, dans le VIIe arrondissement de Paris. Pourtant, l�essentiel du travail de cet architecte fut boulonnais : il y construisit plusieurs �coles, le th��tre, la maison de repos... Apparemment vite adepte d�un style �pittoresque� dont il est un repr�sentant important, il ne s�adonna � l�Art Nouveau qu�� de tr�s rares occasions, et avec des bonheurs divers : le dessin d�une chemin�e int�rieure, figurant dans la publication de Raguenet, permet de juger de sa compr�hension un peu confuse et brouillonne du style �moderne� de son temps, pour lui simple d�riv� baroque du pittoresque et non pas style �noble� en lui-m�me.

On ignore le nom du commanditaire de la maison, mais on doit douter que l�architecte l�ait �difi�e pour lui-m�me. Certes, la position de la propri�t� n��tait sans doute pas inint�ressante, mais le style de la villa ressemble peu � celui qui lui para�t plus habituel, sobre, ample, aux proportions toujours parfaites, et o� les petits d�tails singuliers n�apparaissent jamais artificiellement plaqu�s.

P. S. : Un sympathique correspondant (pardon pour ce qui m'appara�t ici comme un vrai pl�onasme !) m'a fait remarquer que la plaque de maison, certainement originelle, provient, tr�s certainement, de l'entreprise Gentil et Bourdet, implant�e � Boulogne-Billancourt.