7 rue Bartholdi (Colmar - Haut-Rhin)
�Paris 1900� ayant d�j� travers� maintes fois le boulevard des Mar�chaux (et pas seulement pour savoir si les petits oiseaux chantent mieux dans d�autres communes), je vous propose aujourd�hui une halte... � Colmar, cit� on ne peut plus pittoresque et charmante, m�me s�il va falloir d�sormais attendre le printemps pour boire un caf� (ou une bi�re !) sur l�une de ses adorables petites places.
L��poque de l�Art Nouveau n�est �videmment pas la plus heureuse de l�histoire de Colmar, puisque, depuis trente ans, la ville �tait alors allemande. En t�moigne la gare, achev�e en 1907, qui a �t� construite par les architectes Dietrich et Stoeckicht. Elle est caract�ristique du Jugendstil qu�on trouve dans les b�timents publics construits dans les d�partements alors annex�s, particuli�rement nombreux � Metz, o� le gr�s rose intensifie son caract�re pesant.
Le tissu urbain de Colmar, d�j� dense en 1900, emp�chait de beaucoup y construire. Les exemples d�Art Nouveau sont donc assez peu nombreux. A peine peut-on y remarquer les bains publics, face au mus�e d�Unterlinden, et une surprenante boutique, �Au croissant dor�, dont l�architecte semble �tre rest� anonyme pour toujours.
Mais c�est dans le quartier qui s��tend face � la gare, �videmment beaucoup moins urbanis� au d�but du XXe si�cle, que se situe la surprenante �Maison aux raisins� qui nous occupe aujourd�hui.
Reprenons ici les informations donn�es par diff�rentes sources, principalement la Base M�rim�e : �B�tie en 1904, enti�rement en pierre de taille, par l�entrepreneur colmarien Matter sur les plans de l�architecte parisien Eudoxe Gr�goriady, cette villa de style Art Nouveau est remarquable pour sa d�coration sculpt�e inspir�e de motifs v�g�taux, essentiellement la vigne et le raisin. Les fa�ades ainsi que la tr�s belle grille en fer forg� ont �t� inscrites � l�Inventaire des Monuments Historiques en 1975.�
Dans cette notice apparemment document�e, plusieurs choses surprennent. D�abord, comment sait-on le nom de l�architecte, puisque l��difice n�est apparemment pas sign� ? Ensuite, et surtout, sur quel indice affirme-t-on que Gr�goriady �tait parisien ? �Paris 1900� le saurait ! Or personne de ce nom ne figure dans les demandes de permis de construire de la capitale. C�est donc ailleurs qu�il faut chercher l�origine du constructeur de cette imposante villa.
Celle-ci frappe le regard, imm�diatement, par un style qui n�a rien de germanique, hormis peut-�tre quelques lourdeurs dans le traitement de la sculpture. Nous avons l� une maison typique de l�Art Nouveau latin, assur�ment fran�ais, mais avec quelques coquetteries qu�on pourrait dire italiennes ou espagnoles (l�opulence du bow-window, l�ornementation surcharg�e de la grille). La structure de l��difice est visiblement traditionnel ; les �l�ments �modernes� ne constituent qu�un d�cor plaqu�. Il s�agit donc essentiellement d�une �maison de sculpture�, les volumes n�ayant aucun caract�re novateur tr�s affirm�. On remarque n�anmoins, comme beaucoup de maisons de cette �poque, la grande discr�tion de la porte d�entr�e qui n�est pas plac�e au centre de la fa�ade principale, mais sur l�une des fa�ades lat�rales. Elle est joliment dissym�trique, mais sans aucune surcharge d�corative. Pas m�me une marquise ! La r�p�tition de son dessin sur la fen�tre d�escalier qui la surplombe n�est pas tr�s heureuse, comme le sont quelques autres d�tails peu d�licats, en particulier le traitement assez pauvre des angles. En fait, toute l�attention de l�architecte s�est concentr�e sur l�imposant bow-window central, avec un fronton particuli�rement compliqu�, et sur la grille du jardin, morceau de haute virtuosit�, mais qui tire l�essentiel de son efficacit� sur la r�p�tition infinie d�un module assez simple. Les poteaux qui scandent cette cl�ture donnent lieu � des arborescences subtiles, particuli�rement d�velopp�es de part et d�autre du portail, s��levant tr�s haut comme pour imiter les potences... du m�tropolitain parisien !
Dans le m�me quartier, on remarquera plusieurs autres grilles de jardin int�ressantes, nettement moins virtuoses, mais qui paraissent caract�riser l�Art Nouveau colmarien. On en trouve dans la m�me rue Bartholdi, au n�23, et surtout au 5, rue des Am�ricains, o� elle fait un bel effet devant une belle maison avec un bow-window en bois. Ce dernier �difice permet probablement d�acc�der � une autre belle construction en pierre - dont nous l�avons pu apercevoir qu�un morceau de fa�ade. Ses gr�ces presque nanc�ennes apparaissent totalement insolites dans cet environnement. Signe probable qu�� Colmar plusieurs architectes s�adonn�rent au style 1900, avec des bonheurs tr�s divers, mais toujours de fa�on � rappeler les cr�ations de Paris ou de Nancy, plut�t que celles de Strasbourg ou de Metz, plus ouvertement soumises � la modernit� germanique.